POINT DE VENTE

LA DEVANTURE : PREMIER VECTEUR PUBLICITAIRE

Les clés de la réussite d’un point de vente sont le concept, le positionnement et la stratégie de développement. Mais pour attirer le chaland la devanture est capitale.


La façade, les enseignes et les vitrines sont les vecteurs publicitaires les plus immédiats, et pour certains points de vente, ce sont les seuls.
Alors, comment la devanture d’un point de vente peut-elle renforcer sa visibilité ? Qu’est-ce qui peut conditionner le design d’une enseigne ? Comment une façade peut-elle devenir la vitrine de la marque ? Comment certaines marques les utilisent pour augmenter leurs performances commerciales ?

L’ENVERS DU DÉCOR

L’identité d’un point de vente, une enseigne ne sont pas le fruit du hasard. Le nom de marque, les couleurs, les lignes, les matières font l’objet d’une réflexion menée par des designers qui traduisent en volume, dans l’espace, la volonté de l’exploitant. L’enseigne rentre dans une démarche de design globale, et ne doit pas être traitée séparément du reste du point de vente. En effet, les plus belles réussites dans l’architecture commerciale sont celles où l’on trouve un lien depuis le nom de marque avec sa police jusqu’aux poignées de porte ou au papier d’emballage.

Mais peut-on tout faire en façade ?
En France, les collectivités émettent des limites à ce qu’elles considèrent comme des « publicités intempestives » sur leur territoire, et légifèrent sur les formes, les couleurs et même le format des enseignes. À ce propos, le designer devra présenter son projet de réfection de façade mais aussi d’enseignes, qui font depuis peu l’objet d’une nouvelle taxation.

LA TAXE LOCALE SUR LA PUBLICITÉ EXTÉRIEURE : TLPE

Depuis le 1er janvier 2009, toutes les activités économiques (commerciales, industrielles, de services) sont concernées par la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE*).
Cette nouvelle taxe touche les enseignes, les pré-enseignes et les dispositifs publicitaires (dont les vitrophanies).
La loi fixe le tarif de référence, mais chaque commune peut majorer ou minorer ces tarifs – par exemple, sont exonérées de la TLPE les enseignes dont la somme des superficies est inférieure à 7 m², sauf délibération contraire de la collectivité.
Les tarifs dépendent de la nature des supports (enseigne, dispositif publicitaire numérique ou non numérique), de leur surface (la superficie imposable est celle du rectangle formé par les points extrêmes de l’inscription) et de la population de la collectivité bénéficiant de la taxe.
La déclaration est obligatoire et doit se faire avant le 1er mars, à l’initiative de l’exploitant, à partir d’un formulaire type disponible en mairie. Le règlement se fait chaque année à compter du 1er septembre de l’année d’imposition.
Les sommes imposées pouvant peser lourd, nous comprenons que certaines boutiques conditionnent le design de leurs enseignes pour échapper aux règles en vigueur dans leur commune. »
*Pour plus de détails, voir l’excellent guide de 26 pages édité par l’ACFCI (Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie) disponible sur www.cci.fr/tlpe.

FABRICATION DES ENSEIGNES

Bien que l’enseigne soit créée par un designer, sa fabrication exige un travail conséquent qui demande des compétences multiples et une bonne connaissance des matériaux et du territoire.

Par exemple, chez PRISME 3, entreprise spécialisée dans la signalétique, installée à Brignais depuis 1987, on rencontre aussi bien des professionnels de la métallurgie (découpe numérique, pliage, soudure, serrurerie), de la peinture, du soufflage et du pompage de verre de tubes haute tension, de la pose d’adhésif (vitrophanie), de l’impression numérique, de la plasturgie et de la menuiserie que de l’électricité…
Dans l’entreprise, une cinquantaine de personnes œuvrent pour la reconnaissance de la marque, sous la direction d’un bureau d’études attentif aux besoins du client. En effet, même si le client vient avec sa charte graphique, le fabricant des enseignes réalise des recherches de design, pour lui faire les meilleures propositions techniques et financières.
L’objectif étant d’attirer l’attention sur un point de vente, il est primordial que l’enseigne soit vue de jour comme de nuit. D’ailleurs, pour sa mise en lumière, il existe trois possibilités : le fluo (dans les caissons), le néon haut rendement (il est « soufflé » et s’expose à l’extérieur), la diode led (peut se mettre à l’intérieur des lettres pour les éclairer, ou peut éclairer le mur sur lequel elle est fixée).
Les coûts et mises en œuvre sont différents en fonction de l’option choisie, mais il faut reconnaître que l’on tend de plus en plus vers la diode led qui, même si elle est plus chère à l’achat, est vite rentabilisée car elle consomme nettement moins d’énergie et a une durée de vie plus longue.

À titre comparatif, la durée de vie des tubes fluo à haut rendement est de 20 000 heures, et ils consomment 720 watts, celle des tubes néons HT est de 40 000 heures pour une consommation de 320 watts, tandis que les leds TBT vivent 50 000 heures pour une consommation de 240 watts !
L’économie de consommation d’énergie est telle que la différence de prix d’un équipement à l’autre peut être amorti dès la première année.


Dans ces conditions, on peut dire que la forme de l’enseigne ne répond pas qu’à des critères esthétiques. En effet, les économies substantielles réalisées, ainsi que le désir de préserver l’environnement, peuvent aussi conditionner des marques dans le design de leur enseigne.

UNE FAÇADE ET DES ENSEIGNES « DESIGNÉES » POUR ÊTRE REMARQUÉES

Grâce aux nouvelles technologies, certains architectes ont réussi à renforcer la visibilité de leurs clients sans pour autant les ruiner en dépenses énergétiques. C’est le cas de Gilles Payen lors de la rénovation du cinéma « Le Scénario » à Saint-Priest, qui, en plus de faire ravaler les façades avec une lasure couleur béton clair, a eu l’idée de les éclairer avec des leds RVB et des barrettes de leds blanches, le tout synchronisé avec les enseignes (elles aussi éclairées en leds RVB). Le résultat est spectaculaire : l’architecture du bâtiment est soulignée par des effets de lumière qui évoluent du rose au vert en passant par le bleu. Outre le fait de faire apparaître le cinéma de nuit, cet effet lui donne vie, le fait « respirer », ce qui dynamise complètement l’espace et lui confère une tout autre dimension.
Cet exemple nous montre qu’une façade peut être travaillée dans son ensemble bien au-delà de l’enseigne ou de la couleur des murs, et que la lumière devient un média de plus en plus utilisé.

LES VITRINES : OUTILS PUBLICITAIRES PRIMORDIAUX

Bien que leur dénominateur commun soit de donner envie au chaland de pénétrer dans le point de vente, l’enseigne est la partie extérieure du magasin tandis que la vitrine, sa partie intérieure. Cette différence est évidente mais elle est fondamentale et conditionnera la conception de l’une comme de l’autre. En effet, alors que la façade et l’enseigne travaillent pour la marque de manière pérenne, les vitrines, elles, font la promotion des produits et services. A ce titre, elles peuvent être traitées de manière autonome et indépendante du reste de la boutique.
Les vitrines  mettent en valeur une offre ou un produit. A ce titre,       Il est possible de transformer la vitrine en une véritable scène en aménageant l’espace, comme le ferait un scénographe pour une pièce de théâtre : on travaille les lumières, le décor, et on installe le produit comme s’il était le héros de l’histoire.
Créer une « vitrine fermée » dans un point de vente peut être un véritable atout pour dynamiser ses performances commerciales. La vitrine peut même devenir un véritable spectacle pour la rue. Néanmoins, cela implique, est-il besoin de le dire, que l’exploitant s’occupe de ses vitrines, ce qui n’est pas toujours facile pour de nombreux commerçants déjà très occupés. C’est pour cela que certains ont pris le parti de confier leurs vitrines à des professionnels étalagistes – décorateurs ou scénographes –, qui prennent le relais pour ancrer et dynamiser l’image du point de vente.
C’est ce que fait le pressing Saint-Antoine à Lyon, qui a profité de travaux d’embellissement du point de vente pour créer une vitrine et en confier la scénographie à une entreprise spécialisée. On peut d’ailleurs dire sans conteste que, malgré les coûts engendrés par cette prestation, qui se pérennise depuis plus de dix ans, le commerçant s’y retrouve amplement.

QUAND LA FAÇADE DEVIENT VITRINE

Mais il arrive parfois que façade, vitrines et enseignes se confondent et que les trois postes forment un tout.
C’est particulièrement le cas en restauration où on ne lésine pas sur les moyens pour attirer le chaland.
Par exemple, le restaurant lounge « Switch » de Karim Rashid à Dubaï nous baigne dès l’extérieur dans une ambiance complètement organique qui se poursuit à l’intérieur.
En effet, la façade introduit et annonce ce qui nous attend à l’intérieur.

Pour les ateliers de cuisine à emporter « Cook & Go » (adaptation du concept américain « Dream Dinners » aux spécificités gastronomiques françaises), les vitrines sont de véritables atouts puisqu’on y voit les clients en action.
Le principe de l’enseigne créée à Lyon en 2006, déclinée depuis à Paris et à Marseille, c’est de permettre à ses clients, sous les conseils avisés d’un chef, de cuisiner leurs plats favoris, et de repartir les déguster à la maison !
« Cook & Go » propose des formules sous forme d’ateliers adaptés à tous avec des thèmes et des tarifs spécifiques. Ces différentes formules font d’ailleurs l’objet d’un kakemono fixé sur la vitrine par une ventouse.
Lorsqu’on s’approche du magasin, on remarque tout de suite les rangées de lustres réalisés à partir de toques de chefs détournées. On comprend alors qu’il doit y avoir un rapport avec la cuisine. Mais ce qui interpelle le plus, c’est de voir s’activer tous ces cuisiniers en herbe. Ici, les vitrines sont bien ouvertes, et la « scène », c’est l’activité du point de vente, les « héros » sont les clients.

Mais il arrive parfois que les enseignes deviennent des vitrines. C’est le cas du restaurant salon de thé « Tama Depa » à Tokyo (Japon). Ce restaurant cible exclusivement les enfants propriétaires de Tamagotchi (animal de compagnie virtuel, japonais), et leur offre la possibilité de nourrir leur jouet comme de se nourrir eux-mêmes.
Un concept original où la façade a été faite à la portée et à la hauteur des bambins, si sensibles aux codes des Tamagotchi.

Ces exemples nous montrent que la devanture d’un point de vente reflète son message publicitaire le plus immédiat, et impose l’identité d’une marque comme celle de ses produits. Elle résume et introduit tout ce qui nous attend à l’intérieur. Alors, comment les marques utilisent-elles leurs façades, leurs enseignes et leurs vitrines pour dynamiser leurs performances commerciales ?
.En « designant » leur enseigne pour positionner et ancrer leur image : elles utilisent les bonnes couleurs, les bonnes matières et les bonnes lignes qui reflètent leurs concepts, leurs valeurs et leur positionnement.
.En scénarisant leurs vitrines : elles les renouvelle pour promouvoir leurs produits et leurs services. »

Texte de Nelly Sitbon, responsable du bureau de style Chasseurs d’influences,
Présenté en conférence à l’occasion de la biennale du design de St Etienne 2009, sous le thème « le design fait vendre »
Et invétérer dans la revue NDA N°4- janvier 2011 (p38 à 41)

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